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 Souvenirs entomologiques 2 





Si la force devait primer les autres attributs zoologiques, au
premier rang, dans l’ordre des Hyménoptères, domineraient les
Scolies. Quelques-unes, pour les dimensions, peuvent être comparées
avec l’oisillon du Nord, à couronne orangée, le roitelet,
qui vient chez nous visiter les bourgeons véreux à l’époque des
premières brumes automnales. Les plus gros, les plus imposants
de nos porte-aiguillons, le Xylocope, le Bourdon, le Frelon, font
pauvre figure à côté de certaines Scolies. Parmi ce groupe de
géants, ma région possède la Scolie des jardins (Scolia hortorum,
Vander Lind.), qui dépasse quatre centimètres de longueur
et en mesure dix d’un bout à l’autre des ailes étendues : la Scolie
hémorrhoïdale (Scolia hemorrhoïdalis, Vander Lind) qui rivalise
pour la taille avec celle des jardins et s’en distingue surtout
par la brosse de poils roux hérissant le bout du ventre.
Livrée noire avec larges plaques jaunes ; ailes coriaces, ambrées
ainsi qu’une pellicule d’oignon, et diaprées de reflets
pourpres ; pattes grossières, noueuses, hérissées d’après cils ;
charpente massive ; tête robuste, casquée d’un crâne dur ; démarche
gauche, sans souplesse ; vol de peu d’essor, court et silencieux,
voilà l’aspect sommaire de la femelle, fortement outillée
pour sa rude besogne. En amoureux oisif, le mâle est plus
élégamment encorné, plus finement vêtu, plus gracieux de tournure,
sans perdre tout à fait ce caractère de robusticité qui est le
trait dominant de sa compagne.
Ce n’est pas sans appréhension que le collectionneur
d’insectes se trouve pour la première fois en présence de la Scolie des jardins. Comment capturer l’imposante bête, comment
se préserver de son aiguillon ? Si l’effet du dard est proportionnel
à la taille de l’hyménoptère, la piqûre de la Scolie doit être
redoutable. Le Frelon, pour une seule fois qu’il dégaine, nous
endolorit atrocement.
Que sera-ce si l’on est poignardé par le colosse ? La perspective
d’une tumeur de la grosseur du poing, et douloureuse
comme si le fer rouge y avait passé, vous traverse l’esprit au
moment de donner le coup de filet. Et l’on s’abstient, on fait retraite,
très heureux de ne pas éveiller l’attention du dangereux
animal.
Oui, je confesse avoir reculé devant les premières Scolies, si
désireux que je fusse d’enrichir de ce superbe insecte ma collection
naissante. De cuisants souvenirs laissés par la Guêpe et le
Frelon n’étaient pas étrangers à cet excès de prudence. Je dis
excès, car aujourd’hui, instruit par une longue pratique, je suis
bien revenu de mes craintes d’autrefois ; et si je vois une Scolie
se reposant sur une tête de chardon, je ne me fais aucun scrupule
de la saisir du bout des doigts, sans précaution aucune, si
grosse, si menaçante d’aspect qu’elle soit. Mon audace n’est
qu’apparente, j’en instruis volontiers le novice chasseur
d’hyménoptères. Les Scolies sont très pacifiques. Leur dard est
outil de travail bien plus que stylet de guerre ; elles en usent
pour paralyser la proie destinée à leur famille ; et ce n’est qu’à la
dernière extrémité qu’elles le font servir à leur propre défense.
En outre, leur manque de souplesse dans les mouvements
permet presque toujours d’éviter l’aiguillon ; et puis, serait-on
atteint, la douleur de la piqûre est presque insignifiante. Ce défaut
de cuisante âcreté dans le venin est un fait à peu près constant,
chez les hyménoptères giboyeurs, dont l’arme est une lancette
chirurgicale destinée aux plus fines opérations physiologiques.




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